Comme beaucoup je pense, je connaissais surtout le travail de Julio Ribera pour Dracurella. Au hasard d'une promenade à la bibliothèque du CNBDI, je découvre Montserrat. Souvenirs de la guerre civile, un album consacré à la jeunesse de l'auteur dans les derniers temps de la République et durant la guerre civile espagnole. J'y ai retrouvé des choses de ma propre histoire, un récit croisant d'autres récits, une mémoire se mêlant au fil des mémoires et longeant l'Histoire... Ainsi, page 35, l'amitié entre un vaincu de la République, exilé intérieur, et un phalangiste, relation comme il en a tant existé. La vraie guerre civile, qui coupe une nation à des endroits insoupçonnés, passe au milieu des familles et groupes d'amis, et reconstruit un monde improbable et appauvri, où l'on ne reconnaît plus que difficilement sa place. L'humain se révolte contre cela comme il peut... Voir sur cela l'indépassable Grand-peur et misère du IIIe Reich de Brecht, une guerre civile larvée (froide) de tous contre tous, écrasant les classes populaires et arnaquant les autres au profit de quelques-uns, et se préparant à broyer le monde dans le caniveau de la guerre chaude.
Je viens par ailleurs de relire deux classiques : Les phalanges de l'ordre noir et Partie de chasse de Bilal, dans une veine qu'il a hélas abandonnée au profit de la science-fiction. Le premier traite aussi de la guerre civile et le second - que je préfère de loin - des derniers soubresauts de l'ordre soviétique, les deux ayant pour héros des retraités qui n'admettent pas de l'être... et qui ne comprennent plus guère la marche du monde. L'impeccable scénario de Christin et l'implication dans les couloirs de l'Histoire, construisant la tragédie de parcours humains brisés, prémunissaient alors Bilal de ses tentations d'esthétisme glacé.